Le choix des mots

Ecrire n’est pas un acte anodin.

Sauf évidemment quand on fait une liste de courses… et encore! Car même dans ce moment très banal de la vie quotidienne, il faut faire des priorités: qu’est-ce qui est le plus important ? qu’est-ce qu’il ne faut surtout pas oublier ? Le liquide vaisselle ou le chocolat ?

Tout finalement se résume à cela: qu’est-ce qui est important ? Comment le faire passer ? Comment faire en sorte que le lecteur soit marqué, ému, impressionné ? Comment susciter l’émotion? C’est tout l’enjeu de l’écriture: amener l’autre à ressentir une émotion qui n’était pas la sienne au départ.

Le choix des mots est donc essentiel: dire “je suis choqué(e)” ne veut rien dire sauf si on vient d’être extirpé d’une voiture accidentée! Expression fourre-tout dans laquelle on se retrouve pas.

Choisir le bon mot est essentiel. Si un écrivain ne se dit pas forcément qu’il va utiliser une métaphore ou une autre figure de style, il sait quel effet il veut produire sur le lecteur. Donc il va peut-être tester différentes expressions ou tournures avant de garder la meilleure, celle qui rend exactement compte de ce qu’il veut dire.

Ecrire, c’est réécrire, il suffit de regarder les brouillons des écrivains (qui n’utilisent pas un traitement de texte !), pour s’en convaincre.

Guillaume Apollinaire, “Cahier de Stavelot”
 
Manuscrit autographe
80 f., BNF.

Choisir le bon mot, c’est dire exactement ce que l’on veut dire . Et ça, c’est essentiel.

Quelques pistes pour cela :

  • attention au degré d’intensité des synonymes : “épouvanter” n’est pas “effrayer”.
  • gare aux connotations (on en reparlera !) : certains mots sont porteurs de plus de sens qu’on ne croit! “Rouge” n’est pas juste une couleur: cela évoque le sang, la violence, la passion, le révolution, l’interdiction…
  • cherchez la précision et la variété : un vocabulaire riche permettra d’éviter les répétitions et d’exprimer davantage de nuances. Le verbe “gérer” par exemple est utilisé dans bon nombre d’expressions: gérer son temps / une situation/ un dossier; gérer (tout court); gérer à un examen, etc. Alors qu’en fait, on pourrait: utiliser son temps, régler une situation, s’occuper d’un dossier voire le traiter (non, ce n’est pas l’insulter); bien se sortir d’une situation difficile comme un examen (ou juste “sauver les meubles”!) etc. Sinon, gare à la novlangue !

Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. (…) Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint.

G. Orwell, 1984

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